Note d’intention du réalisateur

À la sortie d’une séance où je présentais mon premier long métrage documentaire, un spectateur est venu me trouver pour me dire : “ ça se sent, ce n’est pas simplement un film pour faire un film ”. Aujourd’hui encore je me pose cette question : “ pourquoi faire un film ? ”.

Je me passionne pour des solutions écologiques qui, en réaction aux crises économiques, sociales et environnementales, prônent un retour vers plus de sobriété. Mais j’ai du mal à les adapter à mon quotidien. Alors que je me voyais vivre dans une maison isolée à la campagne, en totale autonomie, j’habite toujours en ville. Et malgré la mise en place de pratiques écologiques simples, je continue d’alimenter le moteur de la locomotive folle lancée à pleine vitesse. Alors comment faire pour être plus cohérent ?  

 

L’aventure de mon premier film

Un jour, animé par l’envie de défendre les convictions qui me tiennent le plus à cœur, j’ai lancé l’auto-production de L’Éveil de la permaculture. Un film sorti en salle en 2017, qui raconte les prémices de la permaculture en France et dévoile le processus de transmission des savoirs entre les pionniers de ce mouvement et une nouvelle génération, soucieuse d’adopter un mode de vie en accord avec leurs principes.

La découverte des low-tech

Je souhaite construire le film à partir d’une série de portraits, avec huit acteurs du monde des low-tech. Il s’agira non seulement de suivre leurs actions, mais aussi de  comprendre les raisons qui les ont poussées à s’engager. L’idée est aussi de confronter les personnages, à cette question centrale que j’affronte et qui m’amène à faire des films : comment garder notre équilibre personnel face au décalage entre nos convictions et nos pratiques quotidiennes ?

En dévoilant leurs quotidiens, je proposerai au spectateur de s’interroger sur la bataille que mènent les personnages. Au fil des étapes de fabrication ou de réparation d’un outil, de la transmission d’un savoir-faire à la commercialisation d’un produit, jusqu’à l’aboutissement du projet, ils se confieront sur leurs désirs d’autonomie et de réappropriation des savoirs. Après les avoir vu évoluer dans leurs univers, nous verrons aussi ce à quoi ils sont radicalement opposés. Le film les placera ainsi dans une adversité symbolique en montrant en parallèle le monde envahissant des high-tech, des antennes 5G aux méga-hangars de livraison Amazon. 

 

Au-delà, le film suscitera de nombreuses questions intimes chez le spectateur. Suis-je prêt à remettre en cause mon confort personnel ? Suis-je prêt à me priver de tous ces objets de consommation du quotidien, finalement superflus et inutiles ? En élargissant progressivement : comment faire pour que la low-tech dépasse la frontière du militantisme ?  Comment faire pour qu’elle ne soit pas réduite au simple “ gadget ” et qu’elle puisse devenir une alternative crédible ? Et finalement, quel modèle de société voulons-nous pour demain ?

 

Mettre en scène les possibles écologiques

Je suis d’accord avec Cyril Dion, lorsqu’il dit qu’il faut construire des “ récits désirables ”. Une partie de la réponse à ma première question serait donc : “ faire un film ” pour mettre en scène un univers écologique désirable et crédible, porté par un groupe de citoyens représentatif qui inspire confiance et dans lequel nous pouvons nous reconnaître.

Adrien Bellay