Les personnages
Charlotte Rautureau et Adrien Martinière animent un atelier de réparation dans un quartier populaire de la ville de Nantes. Leurs crédos : réparer pour ne plus jeter. Les habitants sont invités à amener leurs petits appareils électroniques tombés en panne et de partager un moment de pratique et de réflexion autour de la réparation d’un objet.
« Quand on n’arrive pas à réparer, on rebondit sur le sujet de l’obsolescence. Qu’elle soit programmée, qu’elle soit liée à nos modes de consommation ou nos modes de vie. On arrive à développer une approche critique par rapport à la technique. »
Barnabé Chaillot a une obsession dans la vie : la liberté énergétique. Le youtubeur, qui s’introduit face à la caméra comme bricoleur “Géo Trouvetou”, redouble de créativité pour chacune de ses vidéos. Il y fait la promotion de l’autonomie. En montrant comment concevoir une éolienne, un poêle de masse, ou comment faire du pain, il a réuni une communauté virtuelle en quête de solutions concrètes.
« Avant, j’étais utopiste et tout le monde disait « t’es utopiste ». Maintenant, l’utopiste, c’est celui qui continue à croire qu’on va pouvoir dépenser de l’énergie, et moi je deviens un réaliste. »
Alice Bodin et Aurélie Guibert, ingénieures de formation, proposent de se réapproprier les outils de production d’énergie. Elles animent un stage de construction d’éolienne. Elles guident un groupe qui découvre le travail du bois, de l’acier, de l’électricité et assemble petit à petit les pièces de l’éolienne. Ici, tout est question de collectif.
« On a envie de faciliter le passage à l’action. Il y a des gens qui vont vouloir être plus autonomes en énergie. Et nous, notre objectif, c’est de créer l’étincelle qui va leur faire dire : « ok, en fait je peux le faire et ça ne va pas être trop dur si je me fais accompagner. »
Clément Chabot et Pierre-Alain Lévêque, deux ingénieurs, ont rejoint l’aventure du Low-Tech Lab. Ils ont tous les deux construit et habité pendant près d’un an une tiny house équipée d’une dizaine de low-tech. Dans un champ à l’écart de la ville de Concarneau, ils accueillent le public et échangent sur leur quotidien, où ils ont appris à vivre débarrassés du superflu, en se reconnectant aux éléments.
« Le travail de démocratisation est important, de sortir les low-tech de l’ingénieur, et donc d’être avec tout le monde. Il faut que ce soit beau, il faut que ce soit désirable, il faut que ça fasse envie. »
Kenza Mchiche, Florent Husson et Seirigne Saar ont tous eu un déclic alors qu’ils travaillaient pour de grandes entreprises. En quête de sobriété, ils ont décidé de remettre les mains dans les machines. L’été, ils participent activement à la Semaine des alternatives et des low-tech. Un camp rythmé par la construction d’objets low-tech et par des discussions autour de leur rôle d’ingénieur.
« On a besoin de technologies qui soient vraiment fiables et qui reposent sur un système industriel. Mais j’ai envie de croire qu’un autre type d’ingénierie est possible. »
Cyril Lorréard, maraicher chevronné, cultive 5 hectares selon une technique culturale qui maintient la fertilité des sols et favorise la biodiversité. Chaque hiver, il retrouve L’Atelier Paysan, une coopérative agricole qui propose aux agriculteurs d’autoconstuire leurs machines adaptées à leurs besoins. Dans un vaste hangar, des agriculteurs découpent, percent et soudent le métal. Derrière le poste à souder, la machine de Cyril prend forme.
« Nos outils s’appuient sur du savoir paysan. Savoir qu’on a construit, qu’on se réapproprie petit à petit, qui traîne dans la campagne, à droite à gauche, dans de nombreuses fermes. C’est un savoir qui est lié à des petites fermes résilientes. »
Gaël Lavaud poursuit depuis de nombreuses années un rêve : concevoir le véhicule propre de demain. L’entrepreneur a créé La Gazelle, une voiture au design épuré, ultra légère et très résistante, qui consomme deux fois moins d’énergie que les véhicules standards disponibles sur le marché. La voiture, faite de matériaux composites issus de l’industrie aéronautique, est assemblée dans des micro-usines en containers.
« La troisième révolution industrielle, c’est arrêter de tout centraliser et utiliser au maximum tous les outils de communication qui permettent de faire voyager le savoir, et au contraire de moins faire voyager la matière, en travaillant avec les ressources locales. »
Cécile et Fabien Morel, guidés par leurs soifs de cohérence, sont devenus bâtisseurs d’éco-village. De la brique de chanvre à la construction d’habitats écologiques, ils sont parvenus peu à peu à relocaliser la production des matériaux de construction et à gérer la production d’énergie de façon vertueuse. Au-delà, ils ont imaginé un nouveau système économique et social tourné vers le bien commun.
« On trouve qu’être dépendant des autres, à une échelle locale, ça nous oblige à la relation. En fait, d’avoir une dépendance choisie. On n’est plus dépendant d’un système qui nous échappe, on n’est plus dépendant de grandes multinationales où on a l’impression qu’elles veulent nous arnaquer. »
Les Experts
Philippe Bihouix, ingénieur centralien et essayiste, est spécialiste de l’épuisement des ressources minérales et des questions de soutenabilité des sociétés industrielles. Il a travaillé dans différents secteurs industriels comme ingénieur-conseil, chef de projet ou à des postes de direction. Son ouvrage L’âge des low tech, Vers une civilisation techniquement soutenable a popularisé la low-tech en France.
« Les low-tech se construisent en réaction aux promesses du high-tech, qui vont sauver le monde, à travers les énergies renouvelables, à travers les voitures électriques, à travers la conquête de Mars et maintenant l’intelligence artificielle qui va nous aider à résoudre l’équation climatique. »
Arthur Keller, ingénieur en aérospatiale de formation, conférencier et consultant, est spécialiste des risques sociétaux, des vulnérabilités des systèmes complexes et des stratégies de résilience collective. Il enseigne la résilience des systèmes socio-écologiques et les nouvelles logiques d’innovation dans plusieurs grandes écoles.
« Il s’agit d’arriver à concilier l’impératif de durabilité, c’est-à-dire à se mettre en conformité avec les limites de la planète, et l’impératif de résilience, c’est à dire nous rendre plus aptes à gérer des crises et des chocs que l’on va devoir affronter dans les prochaines décennies. »
Alan Fustec, docteur en biologie et en finances, est le président fondateur du cabinet de conseil Goodwill-management, spécialisé en mesure de la performance économique responsable des entreprises. Il est aussi le président de l’Agence Lucie, 1er label français de RSE. Il lance ensuite Kerlotec, centre de formation pour dirigeants et démonstrateur de soutenabilité.
« La transition écologique, on en parle énormément mais elle n’a pas commencé. C’est très grave. Et c’est là que les low-tech ont un rôle à jouer, c’est à dire de venir dans la vraie vie, dans les familles, dans les maisons, dans les entreprises, dans les administrations, de partout, pour arriver à réduire l’empreinte écologique. »